Vendredi 10 octobre (62 km / dénivelé cumulé positif: 611m / Altitude max: 4238m) – « je voudrais partir avec la couette! » Voilà la première phrase que j’ai écrite dans notre carnet de bord. Tout est dit ! Je n’ai aucune envie de reprendre la route ce matin pour devoir une nouvelle fois affronter le froid. D’autant plus que d’après les échos qu’on a eus, si on avait eu le vent dans le dos jusqu’à présent, nous risquons de l’avoir de face à partir de maintenant…
En même temps, la perspective de passer le reste de l’année à Murghab ne me séduit que moyennement. Bref, 8h30, on reprend la route (sans la couette !). Ces premiers km se font dans des conditions idéales : grand ciel bleu et même pas de vent, pourvu que ça dure ! Seul ombre au tableau : nous comptions faire le plein d’eau avec la rivière que nous avions repérée sur la carte ; or, celle-ci est à sec… On décide d’arrêter toutes les voitures qui passent (c’est-à-dire très peu) pour leur demander s’il y a de nouveau de l’eau dans la rivière un peu plus loin. (Et là vous vous dites qu’on a acquis un super niveau de russe pour pouvoir demander ça. Je vous rassure, pas du tout ! On dit juste « voda!? » = eau en russe, l’un des 5 mots qu’on doit connaître. Et on fait un geste un peu vague montrant la rivière et les alentours avec les sourcils un peu levés en signe d’étonnement et de questionnement puis on finit avec les 2 mains tournées vers le ciel pour dire qu’on est bien embêtés. A priori, ils nous comprennent.) La 1ère voiture nous dit qu’on en trouvera à 15 km, le 2nd conducteur a, lui, l’air encore plus embêté que nous et nous dit qu’il faut soit retourner à Murghab ou soit aller à la prochaine ville à 70 km, le 3ème nous file une bouteille d’eau et nous indique qu’on devrait en trouver à 2 ou 3 km. On décide de retenir la 3ème réponse ! Heureusement pour nous, il avait bien raison, on trouve de l’eau juste après la pause dej (pour les cyclistes, 40-45 km après Murghab).
L’après-midi, on profite des mêmes conditions que le matin. Ça monte tout doucement depuis ce matin, on maintient notre cadence aux environs des 10 km/h. On avait prévu de se faire 65km pour se rapprocher un maximum du col mais on commence à sentir la fatigue. On n’a plus la même énergie que ce matin et ça se ressent au niveau de notre vitesse. On s’arrête après 61km. Toujours pas de vent ce soir, ça nous met en joie ! Une bonne nuit en perspective !

Samedi 11 octobre (71 km / dénivelé cumulé positif: 464m / Altitude max: 4665m) – pas de vent, oui, mais un froid glacial. La nuit a été longue mais les heures de sommeil, elles, ont été très courtes à cause du froid. Heureusement, ce soir, nous faisons étape à Karakul et comptons bien dormir au chaud dans une homestay.
Après 5km, nous attaquons la montée du col. Enfin, avant nous faisons notre petite photo souvenir avec le panneau du col, qui ne se situe pas en haut du col mais 250m plus bas ! Ça grimpe raide mais la route est en bon état donc pas de difficulté particulière. Nos poumons tiennent toujours le coup malgré l’altitude. Seul difficulté avec le dernier virage où l’asphalte a laissé place à un mélange de graviers et de sable. Pour la première fois, je suis obligée de pousser mon trike avec l’aide de Nico. Lui a réussi à passer sans descendre de son trike. Quelques mètres plus loin et nous y sommes ! 4655 M ! Le plus haut col de tout notre voyage (qui ne sera finalement pas le plus difficile). On passe évidemment un moment à faire des photos souvenirs, on a en effet pas prévu de revenir tout de suite ! Une petite danse de la victoire (que vous verrez peut-être un jour en vidéo) et on est reparti. C’est pas le tout mais on a fait que 10 km depuis ce matin et il est déjà 12h. Mais ça ne nous inquiète pas puisqu’a priori, ça descend jusqu’à Karakul…
Alors, oui, ça descend sur les premiers km mais sur une piste en mauvais état. Ça devient ensuite rapidement plat et la piste ressemble à de la tôle ondulée. Une horreur ! Finalement, c’est toujours un peu la même histoire qui se répète : on est top motivé pendant la montée du col, tout content d’arriver en haut et ensuite dépité de voir à quel point on est lent sur la portion qui correspond à la descente. Plus les heures passent et plus on craint de ne pouvoir arriver à Karakul ce soir. On a envie de pleurer rien qu’à l’idée de devoir passer une nouvelle nuit dans la tente avec ce froid. En milieu d’après-midi, l’espoir renaît ! On retrouve de nouveau le bitume, youhou ! Enfin c’est encore loin d’être gagné : il est 15h30, il reste encore 30 km jusqu’à Karakul et la route semble de nouveau grimper à travers les montagnes. Mais on veut y croire !
Une fois cette portion de montagne passée, ça commence enfin à bien descendre. On arrive ensuite sur un immense plateau où on aperçoit le lac et le village de Karakul. On retrouve le sourire et on accélère la cadence. Le soleil est en train de se coucher quand on arrive enfin à Karakul. La vue sur le lac avec les montagnes dans le fond est splendide. On s’arrête à la première homestay où on retrouve Julia et Mark qui, eux aussi, ont bien cru qu’ils n’y arriveraient jamais. Notre hôte m’indique que ce sera riz au lait pour le dîner. Elle me demande si c’est OK. J’ai envie de lui dire qu’après cette journée, on aurait bien mérité une coupette et une formule croziflette + profiteroles… Mais bon j’ai bien peur que ce ne soit pas au menu !

Dimanche 12 octobre (48 km / dénivelé cumulé positif: 392m / Altitude max: 4282m) – ce matin, on prend notre temps, bien décidés de profiter un maximum de la chaleur de la grosse couette. Il est 10h quand on reprend la route, après avoir dépensé nos derniers somani à la micro-boutique du village. Les paysages sont d’une telle beauté qu’on fait de nombreuses pauses photos tout au long de la matinée.
Petite journée aujourd’hui puisqu’on a décidé de dormir avant la frontière kirghize, c’est-à-dire avant le dernier col. On s’arrête vers 15h30. Une fois la tente installée, on s’y réfugie pour lire et on n’en ressortira même pas pour cuisiner, dînant d’une tablette de chocolat. On ajoute encore des couches à notre emmitouflage de peur d’avoir froid : ma doudoune par-dessus ma polaire, Nico, lui, a revêtu tout ce qu’il pouvait (thermique+polaire+soft-shell+doudoune). J’hésite même à déplier les couvertures de survie.

Lundi 13 octobre (52 km / dénivelé cumulé positif: 235m / Altitude max: 4292m) – comme dirait Nico « on a réussi à passer la nuit ! » Mais ce matin, la mauvaise surprise c’est qu’il y a du givre à l’intérieur même de la tente ! Dès qu’on bouge, il nous neige dessus, ça fait bizarre ! Comme tous les matins (enfin plutôt comme tout au long de la journée), on a les mains mais surtout les pieds gelés. Je me demande comment on arrive encore à les bouger ! Énorme portion de porridge ce matin pour palier l’absence de vrai dîner et prendre des forces pour l’ultime col.
On arrive à la frontière tadjik assez rapidement et 1km après, en haut du tout dernier col. 9 jours de vélo et 6 cols pour venir à bout de la seconde plus haute route du monde ! Comme je dis toujours : une bonne chose de faite ! On est bien évidemment contents d’avoir réussi mais aussi contents à la perspective de retrouver des températures plus clémentes.
Bon la descente, comme d’habitude et sans surprise, se fait sur une piste défoncée. Mais la petite nouveauté, c’est qu’il y a de la neige sur plusieurs portions. Et là, on est bien contents d’être à 3 roues.
Après ces quelques km dans ce « no man’s land », nous voilà au Kirghistan. On a déjà l’impression qu’il fait moins froid et on retrouve un peu de végétation. Étape à Sari-Tash pour la nuit où le propriétaire de la guesthouse m’a conquise en me parlant de douche chaude et en me faisant voir le chauffage dans la chambre !

Mardi 14 octobre (68 km / dénivelé cumulé positif: 805m / Altitude max: 3785m) – nous sommes contents de prendre la route direction la Chine. Il y a un col à passer mais ça devrait être la seule difficulté de la journée. Comme les derniers km avant Sari-Tash, on devrait filer jusqu’à la frontière sur cette belle route asphaltée.
13h – depuis ce matin, le compteur ne dépasse pas les 9km/h… Épargnés par le vent de face sur la Pamir, celui-ci nous a rattrapé. On ne s’attendait pas à ça. On pensait en avoir fini avec les difficultés après le dernier col de la Pamir passé. C’est psychologiquement très dur.
On arrive, non sans difficulté, en haut du col en début d’après-midi. Avec toutes ces montagnes enneigées autour de nous, on se croirait dans une station de ski !
En fin de journée, on atteint le dernier village avant la frontière. Avec toutes ces maisons alignées et strictement identiques, il ressemble à un grand lotissement pas très séduisant. On y trouve une famille qui veut bien nous héberger pour notre dernière nuit dans les Stan.
La leçon de la journée : la difficulté n’est jamais là où on l’attend.